La guerre de l’OM et du PSG contre Canal+ mine le foot français

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Le Suédois Zlatan Ibrahimovic en bisbille avec un arbitre.AFP PHOTO / FRANCK FIFE

Alors que le Championnat de France vit une des plus passionnantes éditions de son histoire récente, les suspensions prononcées le 9 avril dernier à l’encontre du Parisien Zlatan Ibrahimovic et du Marseillais Dimitri Payet ont conduit leurs clubs, le PSG et l’OM, à boycotter la chaîne de télévision Canal +, soupçonnée d’avoir diffusée des images « dévalorisantes » pour le foot français, selon la Ligue de football professionnel.

Les téléspectateurs qui suivaient ce 12 avril 2015 le match phare de la 32e journée du Championnat de France de football (Ligue 1) sur la chaîne Canal + ont été surpris de n’entendre aucune réaction de Marseillais à l’issue de la rencontre. La déception suite à la défaite concédée à Bordeaux n’y était pour rien. Embarrassés, certains joueurs de l’Olympique de Marseille (OM) expliquaient au journaliste de la chaîne cryptée présent sur le bord du terrain qu’ils avaient des ordres.

La veille, au Stade de France, on avait assisté à une autre scène inhabituelle, cette fois pendant la conférence de presse de Laurent Blanc de l’entraîneur du PSG, à l’issue d’un succès en finale de la Coupe de la Ligue face à Bastia (4-0). Alors qu’un journaliste de Canal + venait lui poser une question, Laurent Blanc s’est tourné vers le chef de presse du Paris Saint-Germain qui lui a alors précisé qu’il n’avait pas le droit d’y répondre.

Le PSG et l’OM boycottent Canal +

L’explication tient dans deux communiqués quasi-identiques, publiés le 10 avril 2015 par les deux clubs, où ils annoncent leur intention de boycotter Canal + jusqu’à la fin de la saison. Ils reprochent à la chaîne d’avoir diffusé des images ayant conduit à la suspension des deux stars de ces deux clubs, l’attaquant du PSG Zlatan Ibrahimovic (quatre matches de suspension) et le milieu de terrain offensif de l’OM Dimitri Payet (deux matches) pour des propos injurieux envers les arbitres. Un boycott appliqué par tous les acteurs des deux clubs (dirigeants, encadrement technique, joueurs). En revanche, ni le PSG ni l’OM n’ont l’intention de renoncer à la part des droits de retransmission que leur versera Canal + à la fin de la saison…

Si la position de ces deux clubs a de quoi surprendre, le soutien que leur apporte la Ligue de football professionnel (LFP) étonne encore davantage. La LFP s’apprête même à envoyer, selon le quotidien L’Equipe, un courrier à la chaîne cryptée pour lui rappeler que le contrat de diffusion l’engage « à ne pas promouvoir des scènes contraires à l’image du football (attitudes inappropriées des acteurs ou des spectateurs) et à donner une image positive du football en mettant l’accent sur les beaux gestes et le beau jeu ». Bref, comme le remarquait hier soir le journaliste Pierre Ménès, une des têtes d’affiche de Canal +, « on passe les images quand ça arrange les clubs, pas quand ça ne les arrange pas ».

Un silence qui s’étend à l’international

La position des deux clubs, et encore plus celle de la LFP, agacent pourtant d’autres dirigeants du football français, inquiets que ce comportement puisse à terme « coûter en droits télé aux clubs dans la valorisation de la Ligue 1 », comme le confiait Jean-Michel Aulas, le président de l’Olympique lyonnais. Car Canal + paie cher pour diffuser les meilleures affiches du Championnat de France de football ; jusqu’à 540 millions d’euros par an.

D’autant que la chaîne cryptée ne se contente pas de les diffuser en France, puisqu’elle est aussi productrice des images de ces rencontres à l’international. En privant Canal + de toute déclaration, les Parisiens et les Marseillais boycottent indirectement la diffusion de la Ligue 1 dans une centaine de pays, dont plusieurs en Afrique, ce qui va à l’encontre du propre cahier des charges mis au point par… la LFP.

Cette semaine, l’affaire pourrait même franchir un nouveau palier puisque le Paris Saint-Germain a fait savoir son intention d’étendre son boycott contre Canal + aux matches de coupe d’Europe, alors que ses deux confrontations avec le FC Barcelone, en quarts de finale de la Ligue des champions, seront diffusées par la chaîne cryptée. Une position qui va à l’encontre des règlements prévus par l’UEFA, organisatrice de la Ligue des champions, qui oblige l’entraîneur et un ou deux joueurs du club à répondre aux questions du média qui diffuse le match, à la fin de la partie. Le Paris Saint-Germain semble prêt à défier cette obligation, quitte à s’exposer à une sanction financière de la part de l’UEFA.

Des tensions au sein de la Ligue?

Quelle que soit l’issue de ce conflit inédit dans le football français, les conséquences risquent d’être durables et d’alourdir une ambiance déjà tendue autour des droits de diffusion depuis l’arrivée en France de BeInSport, la chaîne de sports du groupe Al-Jazeera, proche du PSG. Et même au-delà, puisque la position anti-Canal + adoptée par le président de la Ligue, Frédéric Thiriez, irrite une partie des dirigeants des clubs qui s’étonnent de ne pas avoir été consultés au sein du conseil d’administration de la LFP.