Guinée : une clinique de désintoxication lutte sans moyens contre l’épidémie de drogue

Guinée : une clinique de désintoxication lutte sans moyens contre l’épidémie de drogue

À Conakry, la seule clinique privée de désintoxication de Guinée, SAJED-Guinée, fonctionne sans financement public, mais son personnel, mené par la Dre Marie Koumbassa, est convaincu d'une chose : le pays est en pleine urgence nationale face à la drogue.

Située dans le quartier populaire de Dabompa, cette structure reçoit chaque semaine des dizaines d'appels de proches désespérés. Les substances les plus consommées varient selon les quartiers : la cocaïne circule dans les zones riches, tandis que le tramadol, le crack et désormais le "kush" ravagent les communautés les plus précaires.

Le "kush" est un mélange toxique de cannabis, de fentanyl, de tramadol, de formol, et parfois, selon certaines rumeurs, de restes humains. Les effets sont ravageurs : pertes de conscience, automutilation, voire décès. Introduit à Conakry en mars dernier, il est aujourd’hui fumé dans les pots de chicha dans certains clubs.

Contrairement à la Guinée-Bissau ou à la Sierra Leone – déjà connues pour leurs réseaux de trafic – la Guinée semblait jusque-là épargnée. Pourtant, des experts parlent d’un marché en plein essor, alimenté par des trafics transfrontaliers. Certains gangs s’installent en Guinée pour fuir la justice sierra-léonaise, et des bateaux transporteraient régulièrement de la drogue entre les deux pays.

Les données sont rares, mais un rapport de l’ONU indique que plus de 5,6 tonnes de cocaïne ont été saisies au large de la Guinée entre 2019 et 2024. Plus récemment, sept valises de drogue présumée ont été trouvées dans un véhicule de l’ambassade de Sierra Leone.

Depuis sa création en 2019, le centre SAJED a pris en charge plus de 500 patients, malgré des moyens dérisoires. Le centre ne peut accueillir qu’une douzaine de personnes à la fois. Il est financé en grande partie par le personnel lui-même, par quelques dons privés et la vente de fruits cultivés dans l’enceinte de la clinique. Les médicaments sont souvent donnés gratuitement.

Le bâtiment, loué à bas prix à un membre de la diaspora guinéenne, comprend des espaces réduits pour la cuisine, un laboratoire, une pharmacie, deux chambres (hommes et femmes), une salle commune et une petite infirmerie. Selon le personnel, certains patients hésitent à venir à cause de l’apparence du lieu.

Outre les drogues, la clinique accueille aussi des patients souffrant de dépression ou d’alcoolisme. Diallo Mahmoud, 32 ans, raconte avoir sombré dans l’alcool après avoir échoué à trouver du travail à Abidjan et à Brazzaville. C’est après une bagarre dans une boîte de nuit qu’il a été conduit à SAJED. Aujourd’hui, il envisage un avenir sobre et veut sensibiliser les autres.

Pour la Dre Koumbassa, il est urgent de sauver la jeunesse :

« Ce sont les jeunes qui sont les plus touchés. Ils sont l’avenir du pays. Si on ne les aide pas maintenant, ce sera un désastre pour toute la nation. »