Guinée – COVID-19 : Un Conseil scientifique en retard et désarmé

Guinée – COVID-19 : Un Conseil scientifique en retard et désarmé

Presque un mois après sa création le 10 avril 2020, le Conseil scientifique de riposte contre la COVID-19 en Guinée vient de livrer ses premiers constats et recommandations sur l’évolution et la gestion de la pandémie dans le pays. Cette implication – tardive ! – des autorités scientifiques guinéennes intervient à un moment où la propagation du coronavirus semble non maîtrisable. L’espoir était donc réel que du travail de nos experts découlent des orientations susceptibles de favoriser une meilleure gestion de la lutte contre la COVID-19 en Guinée. Mais voilà que ni le constat dressé par le Conseil scientifique ni les recommandations formulées ne sont de nature à déterminer un plan de riposte permettant d’aplatir la courbe de contamination.

Ce qui étonne tout d’abord est qu’il n’y a rien dans les constats relevés que même le Guinéen moyen pouvait ignorer :  l’absence d’offre sanitaire, l’obsolescence du système de santé et le manque de civisme des individus sont des réalités connues de tout le monde. Et on ne voit pas en quoi rappeler ces maux, entretenus politiquement et socialement, servirait à lutter contre la propagation de la COVID-19. Est-ce peut-être un déficit d’expertise que de ressasser des données connues et, qui plus, sont normalisées par des comportements sociaux modelés par les pratiques de l’informel.  Quant aux recommandations formulées par le Conseil, il suffira de lire la presse guinéenne et certaines réflexions proposées par les citoyens guinéens à travers le monde pour se rendre compte du retard accusé par nos experts : rien qui n’a été déjà dit, et ce, depuis le début de la crise sanitaire en Guinée. En réalité, c’est l’impression d’une mise à jour que nous donnent les neuf recommandations faites par le Conseil scientifique de riposte contre la COVID-19 en Guinée. S’il n’y a pas de mal à prendre connaissance des mesures proposées ailleurs et donc à réactualiser la créativité des citoyens guinéens, cette tentative aurait gagné en valeur si seulement elle débouchait sur une refondation et une réorganisation générale du plan de riposte contre la lutte contre la COVID-19 en Guinée. Or, rien de nouveau sous les cieux des recommandations du Conseil scientifique.

Il est toutefois rassurant de voir que les analyses du Conseil rejoignent le constat général selon lequel la lutte contre la COVID-19 en Guinée est dans une impasse. Et ce n’est pas prendre goût à la critique que de dire que les populations guinéennes s’attendent à mieux de la part des experts scientifiques mandatés par le président pour conseiller et orienter la lutte contre la propagation du coronavirus. Cette attente est d’abord communicationnelle : une meilleure communication sur la réalité et l’étendue transmission communautaire, de préférence par quartier et par commune. C’est exactement ce qu’ont privilégié les autorités djiboutiennes qui réussissent mieux à gérer la crise sanitaire sur leur territoire. Comment expliquer qu’en l’état actuel où on enregistre 1537 cas confirmés de COVID-19, on ne sait pas quelle est la commune ou la zone de Conakry qui constitue le foyer principal de contamination. L’expertise scientifique aurait pu permettre l’identification des « points chauds » du COVID-19 en Guinée.  Aussi, il faut espérer une coordination efficace en matière de dépistage et de suivi des personnes contacts. Celle-ci pourrait conduire le Conseil à recourir aux expertises informatiques qui, malheureusement, ne figurent pas dans les recommandations proposées. On ne peut prétexter l’indiscipline et l’incivilité pour justifier le rythme soutenu de la contamination communautaire. Il faudra, pour y faire face, que le Comité discute et examine la possibilité d’une politique en matière de confinement adaptée à la situation sociale et économique du pays. C’est aussi le rôle de l’expertise scientifique que d’instruire les politiques publiques. Du moins dans un pays normal ! Enfin, le Comité scientifique ne peut se limiter à formuler des recommandations. Il devrait être à l’avant-garde de la lutte contre la COVID-19 en sollicitant toute la créativité et l’imagination scientifique nécessaire pour freiner la propagation du Coronavirus. Il ne sera pas sans intérêt que le travail du comité scientifique s’inspiredes protocoles mis en place dans les pays voisins comme le Sénégal et les adapter dans le contexte guinéen. Mais, la question demeure de savoir si le Comité scientifique guinéen réunit l’expertise nécessaire et l’autonomie politique suffisante pour mener à bien son travail de conseil et d’orientation.

 

Amadou Sadio Barry