Coronavirus: le point sur les essais cliniques en cours

Coronavirus: le point sur les essais cliniques en cours

Tandis que la moitié de l’humanité est en situation de confinement pour ralentir la pandémie de coronavirus, plusieurs équipes dans le monde sont mobilisées pour réaliser des essais cliniques contre le Covid-19 en un temps record.

Le professeur Bruno Lina est chercheur au Centre international de recherche en infectiologie de l’université Claude-Bernard-Lyon-1 ; Éric Delaporte est professeur de maladies infectieuses, directeur de l’unité « VIH-Sida et maladies associées » à l’IRD (Institut de recherche pour le développement), à l’Inserm et à l’Université de Montpellier. Tous les deux étaient mercredi 8 avril les invités de l’émission Priorité santé, en direct sur RFI.

RFI : Professeur Lina, vous avez une vision d’ensemble sur les recherches et les essais cliniques menés de par le monde, et particulièrement sur les essais Discovery, coordonnés par l’Inserm. Certains ont déjà démarré dans votre hôpital de la Croix-Rousse à Lyon. Combien d’essais cliniques sont en cours ?

Pr Bruno Lina : Il y a de très nombreux essais cliniques en cours en France et à l’étranger. Uniquement en Chine, dans les deux premiers mois, 92 essais cliniques ont été réalisés. On voit qu’il y a un effort considérable qui est fait pour essayer de comprendre la maladie et de trouver des traitements pouvant réduire les symptômes et bien évidemment, la mortalité de ce virus. En ce qui concerne Discovery, l’essai a commencé il y a bientôt trois semaines. C’est vraiment un essai qui fonctionne très bien puisque nous avons pratiquement 600 inclusions, ce qui est extrêmement rapide pour ce type d’essai clinique. Je vous rappelle qu’il y a plusieurs tests qui sont faits sur des médicaments comme celui sur le remdésivir, qui est un antiviral spécifique qui doit bloquer l’entrée et la réplication du virus dans la cellule. Il a vraiment été développé spécifiquement pour ce virus et testé assez rapidement. Il y a des produits qu’on a réutilisés :

  • le Lopinavir-Ritonavir qui s’appelle le Kaletra, qui est un anti-VIH
  • l’hydroxychloroquine
  • une combinaison entre le produit anti-VIH et l’interféron

Lesquels vous semblent les plus prometteurs ?

On va avoir, probablement d’ici une dizaine de jours, des premiers résultats sur l’ensemble de ces tests pour voir s’il y a quelque chose qui se dessine. Est-ce qu’on observe que certains patients traités avec tel ou tel test, présentent une évolution plus favorable que d’autres ? On a besoin encore d’une dizaine de jours pour pouvoir avoir des premières données à communiquer. En parallèle de l’essai Discovery, il y a d’autres essais cliniques qui tournent autour de ce qu’on appelle l’immunothérapie et le contrôle de la réponse inflammatoire.

Vous vous concentrez donc sur la façon dont le corps réagit à ce virus ?

Pr Bruno Lina : Exactement. On s’est rendu compte que dans cette maladie il y a une cascade de cytokine, un orage cytokinique. Les cytokines sont les protéines de l’inflammation, qui sont présentes pour nous défendre. En revanche, quand elles sont produites en trop grande quantité et qu’il y a un contrôle qui ne se fait plus, cela devient agressif pour notre organisme. On essaie de moduler cette réponse de façon à ce que les cytokines gardent cette activité pour lutter contre le virus mais qu’elles perdent cette dangerosité vis-à-vis de notre organisme. Il y a des premiers résultats qui devraient sortir dans deux ou trois jours sur des anti-interleukines pour les formes graves qui pourraient être intéressants.

Il y a un autre pan de l’immunothérapie, qui est aussi en cours d’évaluation. Il s’agit de l’utilisation du plasma des patients convalescents. Quand vous êtes guéris, cela veut dire que vous avez développé des anticorps. Ces anticorps on peut les prendre chez un individu pour les transférer à quelqu’un qui en a besoin, qui ne les développe pas bien. La façon la plus simple de le faire c’est de prendre du plasma (le sang d’une personne guérie), le purifier et le transmettre à quelqu’un qui a besoin de plasma et d’anticorps pour guérir. Cela peut donc aider à la guérison.

L’autre chose c’est la recherche spécifique pour trouver ces immunoglobulines, les identifier et être ensuite en capacité de les synthétiser pour pouvoir faire de l’immunothérapie vraie avec des anticorps monoclonaux. Le champ de recherche est extrêmement riche !

Souvent les gens disent que nous n’allons pas assez vite. L’épidémie a commencé il y a deux mois. On est déjà en train d’évaluer des médicaments et des traitements. On va certes moins vite que le virus mais on va tout de même très vite.

Professeur Delaporte, en ce qui concerne le Sud en général, et l’Afrique en particulier sur laquelle vous travaillez, est-ce qu’il y a des pistes à privilégier dans les recherches et essais cliniques ?

Pr Éric Delaporte : Il n’y a pas vraiment de pistes spécifiques à l’Afrique. Le virus est universel et la lutte l’est également. Tout ce qui est recherche de l’Asie et du Nord est au bénéfice également du Sud. En revanche, il va y avoir des spécificités sans doute au niveau de la prise en charge et parfois de l’approche. Il y a des recherches très importantes sur la piste virale. Cependant, c’est une maladie virale mais également immunitaire. Il va donc y avoir des recherches pour contrôler la réponse immune désordonnée qui crée des lésions au niveau du poumon.

Il y a des choses très intéressantes qui peuvent être directement mises en application au Sud. Par exemple, il y a une étude récente qui montre que l’utilisation des corticoïdes dans les formes très graves, pourrait diminuer la mortalité. Il y a également des recherches autour de la prise en charge qui peuvent être directement adaptées aux contextes du Sud.

Un élément très important, peut-être encore plus au Nord qu’au Sud, sera la disponibilité des médicaments. Une fois qu’on aura trouvé un prototype traitement, il faudra faire en sorte qu’il soit disponible et qu’il puisse être efficace. Cela explique le succès de l’hydroxychloroquine. Pour la première fois, il y a un espoir à travers ce médicament. On parle d’espoir car on n’a pas encore d’éléments objectifs pour dire s’il fonctionne ou non. Il a la force d’être disponible. C’est aussi le cas de l’antirétroviral Lopinavir-Ritonavir (Kaletra). Si jamais ces pistes fonctionnaient, cela serait assez extraordinaire d’avoir en temps réel un médicament qui soit en même temps disponible pour les patients touchés.

 

rfi