«Gilets jaunes»: ce qu’il faut retenir du discours d’Emmanuel Macron
Le chef de l’Etat s’est exprimé lors d’une adresse « à la nation » de treize minutes ce lundi 10 décembre depuis le palais de l’Elysée. Un discours extrêmement attendu, alors que la crise des « gilets jaunes » empirait de semaine en semaine. Des mesures fortes et concrètes étaient réclamées par tous les acteurs et observateurs de ce mouvement de colère sociale inégalé depuis de nombreuses années. Voici les points à retenir de ce discours.
- Condamnation des violences
Emmanuel Macron se voulait « au rendez-vous de notre pays et de notre avenir ». Usant d’un ton exagérement calme, il a d’emblée employé des mots de fermeté pour condamner les « enchaînements de violences inadmissibles » qui « ont profondément troublé la nation » et qui « ne bénéficieront d’aucune indulgence ».
Il a par ailleurs dénoncé les « responsables politiques dont le seul but »était defragiliser la République. « Quand la violence se déchaine, la liberté cesse », a déclaré Emmanuel Macron avec des accents lyriques.
« Je n’oublie pas qu’il y une colère, une indignation. Je ne veux pas la réduire aux comportements inacceptables que je viens de mentionner », a-t-il ensuite tempéré.
Le mea culpa partiel
« Cette colère, je la ressens comme juste à bien des égards, elle peut être notre chance », a résumé le chef de l’Etat. « Leur détresse ne date pas d’hier », mais « nous avons fini lâchement par nous y habituer et au fond tout se passait comme s’ils étaient oubliés, effacés ». « Ce sont 40 années de malheur qui ressurgissent », a-t-il dit, reportant une partie de la faute sur ses prédécessurs. « Sans doute n’y avons pas su répondre en un an et demi », a-t-il toutefois admis.
« Je prends ma part de cette responsabilité ; je sais qu’il m’est arrivé de blesser certains d’entre vous par mes propos », « il a pu m’arriver de vous donner le sentiment que ce n’était pas mon souci que j’avais d’autres priorités ».« Ma légitimité, je ne la tire que de vous, de nul autre. »
- Annonces de mesures sociales
Emmanuel Macron décrète « l’état d’urgence économique et sociale », il veut « intervenir vite ». « Je demande au gouvernement et au Parlement de faire le nécessaire afin qu’on puisse vivre mieux de son travail dès le début d’année prochaine ».
Concrètement, il annonce une revalorisation nette du salaire minimum de 100 euros par mois : « le salaire d’un travailleur au Smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019 sans qu’il en coûte un euro de plus pour l’employeur » a-t-il informé, sans dire clairement s’il s’agirait de net ou de brut.
Il reprend également une mesure innovée sous Nicolas Sarkozy et abrogée sous François Hollande : les heures supplémentaires seront versées sans impôts ni charge dès 2019, « sans que cela ne coûte rien à l’entreprise ».
Le président de la République a également demandé « à tous les employeurs qui le peuvent » de verser « une prime de fin d’année à leurs employés » qui elle aussi sera sans impôt ni charge.
« Pour ceux qui touchent moins de 2000 euros par mois », Emmanuel Macron annonce l’annulation de la hausse de la CSG décidée cette année. A l’heure actuelle, seuls les retraités gagnant moins de 1200 euros environ en étaient exemptés.
Sur le plan de la fiscalité, il refuse tout retour en arrière : pas de rétablissement de l’impôt sur la fortune (ISF), demandé par de nombreux « gilets jaunes », car « revenir en arrière nous affaiblirait ». « J’entends que le gouvernement poursuive les ambitions de transformations profondes du pays ». Autrement dit, et même si habilement il n’emploie pas les termes qu’il emploie régulièrement, il maintient le cap. « J’ai besoin que nos grandes entreprises, nos concitoyens les plus fortunés, aident la nation à réussir. Je les réunirai et prendrai des décisions en ce sens dès cette semaine », a-t-il dit.
Cependant, pour le chef de l’Etat, le gouvernement et le parlement devront « aller plus loin pour mettre fin aux avantages indus et aux évasions fiscales ». « Le dirigeant d’une entreprise française doit payer ses impôts en France et les grandes entreprises qui y font du profit doivent y payer l’impôt, c’est la simple justice ».
- « Un moment historique »
Quant au grand débat local de trois mois qui doit débuter la semaine prochaine, « il doit être beaucoup plus large », a affirmé le chef de l’Etat, qui propose de « bâtir » un « nouveau contrat pour la nation » et rencontrera pour ce faire les maires de France en personne « sur le terrain», « région par région ».
« Pour réussir, nous devons nous rassembler et aborder ensemble toutes les questions essentielles à la nation », a déclaré le chef de l’Etat lors de son allocution télévisée, évoquant notamment « la possibilité de voir les courants d’opinion mieux entendus dans leur diversité », mais aussi « la prise en compte du vote blanc, et même que soient admis à participer au débat des citoyens n’appartenant pas à des partis ».
« Nous ne reprendrons pas le cours normal de nos vies », a conclu le chef de l’Etat. « Nous sommes à un moment historique pour notre pays. Par le dialogue, le respect et l’engagement, nous réussirons. Mon seul souci, c’est vous ».
Avec rfi