Fatou Bensouda vs Laurent Gbagbo : Retour à la case départ (Par Moïse Sidibé)
Deux chefs d’inculpation comme l’épée de Damoclès à double tranchant planent toujours au-dessus de Laurent Gbagbo. La procureure de la CPI voulait une peine plus sévère, la cour n’a pas jugé les arguments de l’accusation suffisante. Si Fatou Bensouda rebondit sur l’affaire, c’est pour rappeler à la cour certains détails qu’elle avait oublié d’exposer au moment de son réquisitoire, on peut se le demander.
On ne peut juger de la disparition du journaliste André Kiffer qui enquêtait sur la filière café-cacao, on ne peut pas juger du transfert des fonds de la BCEAO d’Abidjan pour manque de preuve suffisante, on peut, cependant, juger des 3000 morts imputés au camp de Laurent Gbagbo, parce que parmi ces 3000 morts, il y a aussi beaucoup de son propre camp. On ne peut pas dire que Gbagbo, dans les derniers sursauts, a perdu la tête pour tirer sur ses propres partisans.
Dans un conflit armé, que ce soit une guerre déclarée, une agression, ou une rébellion, il y a toujours deux ou plusieurs camps.
Dans une guerre déclarée, il y a des règles à ne pas transcender et transgresser pour ne pas s’exposer aux crimes de guerre. Dans une guerre d’occupation ou d’agression, les crimes de guerre et crimes contre l’humanité peuvent-ils être imputés aux envahisseurs et à ceux qui luttent contre l’occupation, sur le même pied d’égalité ? La même question peut se poser dans une guerre de rébellion.
Lors de la guerre de Dien Bien Phu, une guerre coloniale d’occupation, donc injuste et injustifiée, les Français avaient parachuté 20000 hommes, on parlait de la plus importante opération aéroportée depuis la deuxième guerre mondiale. Les Vietnamiens tiraient sur les parachutés, qui n’avaient pas encore touché le sol. L’on avait crié au crime de guerre. Il semble que l’affaire avait été mise sur la table à Genève, mais elle était sans suite.
Tel n’était pas le cas de la guerre post-électorale en Côte d’Ivoire, en 2011, où Gbagbo était seul contre Rome, et où moins-un les 60 hommes de la troupe américaine basée au large d’Accra avaient failli entrer en conflit avec les 600 hommes de la force française « Licorne », basée à Dakar.
Dans cet affrontement, les forces de Gbagbo eurent la maladresse et l’audace de bombarder la caserne française et tuer des soldats français (6 ou 9), dont les hommages grandioses rendus en leur honneur annoncèrent la fin proche des haricots pour le camp de Gbagbo. Ses troupes furent acculées en défensive. Ceux qui bombardaient et qui avançaient sur le terrain de la reconquête (les hommes de Ouattara, de Soro, à ne pas exclure aussi les hommes de Licorne) ont-ils laissé vivants et intacts les partisans et les propriétés des hommes de Gbagbo ?
A partir de là, on ne peut pas tout mettre dans son chapeau. Le dernier coup de canon qui avait fait trembler le sous-sol où il se terrait avec les siens avait dû faire des dégâts à l’extérieur, combien de morts ? De qui venait ce badaboum, puisque les ivoiriens disent n’avoir jamais entendu un bruit aussi assourdissant ?
On ne parle pas du cas de Guy André Kiffer, on ne parle pas du sac de la BCEAO, mais pour les 3000 morts, il n’est certainement pas le seul coupable.
Fatou Bensouda doit bien revoir ses notes. Si elle cherche l’équité et non l’iniquité, et si elle ne veut pas qu’on parle de justice des vainqueurs.