Manifestation après la mort de N'fa Kémo : les circonstances tragiques racontées par ses proches
"L’état de ses jambes était déplorable, ses bras étaient disloqués. Il m'a dit qu'il n'était pas tombé d'un étage, mais qu'il avait été jeté d'une voiture. Il saignait de partout et souffrait terriblement. Jusqu'à son dernier souffle, il a répété qu'il avait été battu et torturé."
Les rues de Coléah étaient en ébullition lundi, suite à une manifestation provoquée par la mort en détention de N'fa Kémo Mara, un jeune homme d'une trentaine d'années. Décédé le dimanche 18 août 2024 dans des circonstances troublantes, après trois jours à l'hôpital, Mara portait des fractures aux pieds, aux bras, à la colonne vertébrale, ainsi qu'un traumatisme crânien. Il laisse derrière lui des proches en quête de justice, indignés par les conditions de son arrestation et les mauvais traitements subis lors de sa détention.
N'fa Kémo Mara, surnommé ASK, aurait été arrêté par des hommes cagoulés, apparemment sur ordre du Colonel Gassim Soumah, Directeur Adjoint de la Sécurité Régionale à Conakry.
Accusé à tort, selon ses proches, d'avoir donné de l'argent à une jeune fille (la nièce du Colonel Gassim) pour une tontine, Mara a été victime d'une violence extrême.
Un témoignage poignant : Mamadi Diané, ami et gardien de Mara à Coléah, revient sur les derniers jours de N'fa Kémo. "Tout a commencé par une simple histoire de tontine. Une jeune fille, la nièce de Gassim, avait mentionné Mara comme celui qui lui avait donné de l'argent. Cette information est parvenue aux parents de la jeune fille, qui ont alors déposé une plainte contre Mara, mais pour viol. Le chef de quartier a pris en charge l'affaire et nous a informés. Le mercredi suivant, lors d'une confrontation avec la jeune fille, il s'est avéré que le numéro de téléphone qu'elle avait donné n'était pas celui de Mara. Mais mon ami tenait à se disculper de cette accusation...".
Les choses ont pris une tournure dramatique lorsque Gassim Soumah est intervenu. "Gassim est arrivé en pyjama, accompagné d'agents cagoulés, et a immédiatement ordonné l'arrestation de Mara, l'accusant violemment.
Mara a tenté de s'expliquer, mais Gassim l'a frappé au visage avant de l'emmener.
Mamadi poursuit : "Mon grand frère Sidiki a suivi en moto, mais Mara n'était ni au commissariat de Mafanco ni à l'OPROGEM. Nous n'avons pu le retrouver nulle part ce jour-là. Le lendemain, le chef de quartier nous a informés que Mara avait été grièvement blessé : les deux pieds et les mains brisés, une blessure à la tête. Nous ne savons toujours pas ce qui s'est réellement passé cette nuit-là. On nous a dit qu'il avait sauté du haut d'un étage à l'OPROGEM.
Lorsque nous sommes allés à Ignace Deen, nous avons trouvé le directeur de l'OPROGEM et son assistante. Nous nous sommes identifiés comme étant de la famille de Mara. Nous l'avons trouvé aux urgences..."
La douleur d'une mère
Mariame Camara, la mère de N'fa Kémo, décrit avec douleur l'état dans lequel elle a retrouvé son fils : "Ses jambes étaient complètement détruites, ses bras disloqués. Il m'a dit qu'il n'était pas tombé d'un étage, mais qu'il avait été jeté d'une voiture. Il saignait de partout et souffrait énormément. Jusqu'à son dernier souffle, il a répété qu'il avait été battu et torturé. Je ne comprends pas pourquoi mon enfant est mort. Pourtant, il avait promis de porter plainte s'il survivait. Les autorités doivent nous venir en aide."
Un appel à la justice
Face à l'inaction des autorités, la colère monte. Ibrahima Sory Soumah, l'un des manifestants, explique la raison de cette mobilisation : "Nous sommes ici pour exiger justice. Gassim Soumah se sent intouchable, mais nous voulons que le ministre intervienne. Mara est mort sous de fausses accusations, et nous refusons de rester silencieux. Nous ne sommes pas là pour nous battre, mais pour exiger que justice soit faite."
Les manifestants, principalement des jeunes et des femmes, ont tenté de marcher vers le Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile, mais ont été dispersés par des gaz lacrymogènes.
Malgré nos efforts, nous n'avons pas pu obtenir la version de Gassim Soumah.
À ce jour, le corps de N'fa Kémo Mara serait encore en possession des autorités, tandis que la quête de justice pour lui se poursuit à Coléah.